Blog > L'histoire de Samoëns > Du lait à l’assiette, les chemins du terroir
Qu’il soit de vache ou de chèvre, dans cette station d’alpage à la tradition d’élevage séculaire, tout a commencé avec le lait. Au fil du temps, les éleveurs ont diversifié leur activité et, de nos jours, s’ouvrent au public pour faire connaître leur métier et leurs délicieux produits !
Sur les hauteurs du hameau des Rots, La ferme de l’Entremont fait face à la montagne du Tuet et au Criou. Un décor devant lequel Florent Dalla-Costa n’a pas vraiment le temps de rêver, tant le travail d’éleveur est prenant. La journée commence ainsi à 6h30. Le chef d’exploitation, à la tête d’un cheptel de 70 chèvres, se répartit le travail du jour avec Stéphanie, sa salariée. Selon les saisons, les tâches varient. Au bâtiment, entre la traite et la fabrication des fromages, ou au village de Marnaz, en période de fenaison, pour le travail du foin qui sera apporté aux bêtes. Les soins aux chèvres, le nettoyage de la ferme, la préparation des commandes, la vente sur les marché font également partie des innombrables tâches quotidiennes. Des goûteux crottins, briques, pyramides (nature, cendrés ou épicés) jusqu’aux délicieuses tommettes (des fromages de garde) tout est fabriqué sur place dans les règles de l’art. Le lait – dont 48000 litres sont produits chaque année – est mis en chaudron ou bac, avant l’incorporation des bactéries. En fonction de leurs qualités et respectant un processus immuable, les fromages sont moulés, lavés, démoulés, salés et portés en cave de 8 jours à 12 mois.
Voilà le quotidien de Florent Dalla-Costa si l’on s’en tient à l’image d’Epinal. Car de nos jours, les éleveurs ne sont plus repliés sur leurs exploitations, mais proposent au public des visites et des dégustations. Locaux comme touristes ne se privent pas de monter jusqu’aux Rots, sur rendez-vous, pour se plonger pendant deux heures dans le quotidien de La ferme de l’Entremont et acheter quelques fromages. « Je fais des visites depuis 5 ans que je suis à Samoëns. C’est très important, si les éleveurs n’ouvrent pas leurs portes, les gens ne peuvent pas comprendre notre travail » explique le trentenaire qui se dit «éleveur, fromager et commercial : trois métiers en un et il faut les faire tous les trois ! »
Quelques kilomètres plus loin, à Vercland, on a choisi de se démarquer. Au pays des vaches Abondance, Bruce Favre-Bonvin élève une cinquantaine d’Hérens à la belle robe noire, sur La ferme de Croës Canailles. Bien que cette race soit d’origine locale, du nord de l’arc alpin, il est l’un des seuls à en posséder dans la région. Vache rustique, au « caractère vif et fier », l’Hérens a moins besoin de nourriture et de soins vétérinaires que l’Abondance. « Son lait est moins gras et plus riche en protéines, explique l’éleveur, toujours coiffé de sa tarte (béret alpin). Sa caséine est très développée, avec le même litrage, on fait plus de produit. Mais le rendement laitier est plus petit». Le lait servira à faire tommes, raclettes et fromages de montagne. Sont également fabriqués sur place saucisson et viande séchée. La ferme de Croës Canailles accueille elle aussi le public pour des visites et dégustations, surtout l’hiver, car l’été les vaches sont en alpage.
Les visiteurs découvrent ainsi le territoire de Tulipe, Brunette ou encore Canailles (la plus vieille des vaches, qui a donné son nom à la ferme ; quant à Croës, cela signifie “petit” en patois valaisan). Aidé de sa mère Catherine, le trentenaire présente son travail, fait visiter l’étable, et montre de l’extérieur – normes sanitaires obligent – la salle de fabrication des fromages, où le lait est mis dans un chaudron en cuivre, à l’ancienne. Dans leur boutique: fromages, charcuterie, lait, œufs, confitures… Tout est produit à la ferme. « On est dans le circuit très court : on a juste à traverser la cour » sourit Catherine, qui souligne l’authenticité de leurs produits : « Nos fromages sont hors AOC, ils ne sont pas calibrés, ont des tailles et des goûts différents. Car si la technique est la même, la vache mange des herbes différentes. Nos fromages ne se ressemblent pas suivant les saisons, car le lait fait tout. » D’ailleurs, « les anciens nous disent : “Vos fromages ont le goût de ceux de quand on était petits ! ”». Une belle récompense pour ces éleveurs qui pratiquent l’agriculture extensive : « Notre engrais est naturel : purin, fumier…Les vaches mangent des céréales, de l’herbe, du foin, vont à l’alpage. Il n’y a pas d’ajout. Elles font le lait qu’elles font, elles ne sont pas poussées. » Une démarche qui séduit les clients devenus plus exigeants et méfiants : « Souvent, ils prennent des flyers sur notre stand au marché puis viennent nous voir et n’achètent qu’une fois sur place ». Le public est également invité à la ferme chaque printemps, pour la Bataille des reines, la première sortie de la saison des laitières. Un moment particulier et festif où ces vaches montrent leur instinct de hiérarchie très développé en se battant entre elles et en “tricotant” avec leurs cornes durant de longues minutes.
Samoëns est situé en zone AOP du fameux et fondant reblochon de Savoie, grâce notamment au bon lait fourni par les vaches Abondance, Montbéliardes et Tarines. Une quinzaine de producteurs de la Vallée du Giffre – essentiellement de Samoëns- et une quinzaine de la vallée verte fournissent la coopérative laitière locale – la Fruitière– créée dans les années 50. Près de 600 tonnes de lait par an seront transformées pour donner 3500 à 3800 reblochons par jour, affinés sur place dans des caves. Les fromages seront ensuite vendus dans les circuits classiques : grande distribution, crèmeries… mais aussi à la Fruitière, dont la boutique propose également tommes, raclettes, produits de la ferme des adhérents de la coopérative ainsi que d’autres produits artisanaux.